L’industrie avicole est l’un des secteurs clés de l’économie nationale, dont le rôle pionnier dans la chaîne alimentaire n’est plus à démontrer. Le secteur assure aux consommateurs, le lot quotidien en protéine animale et aux prix les plus bas, rendant ces produits (viande, œufs) accessibles à toutes les bourses. Mais l’autre revers de la médaille c’est que les professionnels du secteur ne bénéficient pratiquement que d’un timide soutien de l’Etat. Même en cas de crise frappant toute la filière, l’Etat fait le sourd-muet et n’intervient que rarement ni à l’amont ni à l’aval. Les éleveurs de poulets de chair, de dindes et d’autres volatiles sont classés, contrairement aux éleveurs de bétail, dans la catégorie des professionnels imposables de l’agroalimentaire. Pour conséquences, de nombreux professionnels surendettés finissent par jeter l’éponge ou sont tout simplement mis au cachot pour défaut de payement de leurs échéances bancaires. Par ailleurs, si la demande au niveau du marché national est encore vigoureuse et offre encore du potentiel pour tous les produits du secteur (viande, œuf et charcuterie). Selon une étude de l’Observatoire de l’entrepreneuriat (ODE) sur le secteur avicole au Maroc, comparativement à l’Union européenne, une marge de croissance de 73,9 % pour l’œuf et de 33,3 % pour les viandes de volaille est encore non exploitée sur le marché national. En effet, au Maroc, si la consommation annuelle par habitant a enregistré une hausse sensible entre 1970 et 2010, passant de 21 à 138 œufs, la consommation dans l’UE est de l’ordre de 240 œufs par habitant et par an. S’agissant des viandes blanches, la consommation est passée de 2,3 à 17,2 kg sur la même période, alors qu’elle est de 22,9 kg/habitant/an en UE. Parallèlement à ces avantages, le secteur se trouve chaque année, confronté à des problématiques d’ordre structurel et conjoncturel parfois difficilement gérables. Selon une récente analyse détaillée de l’Observatoire de l’entrepreneuriat, même si le secteur est dopé par une demande constamment croissante, elle ne peut être profitable que si la multitude de problèmes auxquels sont confrontés les opérateurs avicoles, sont résolus. Certes, pour les aléas conjoncturels, il est difficile de pouvoir échapper à la donnée climatique autrement qu’au travers de ce qui est fait actuellement, notamment via la restructuration et la modernisation des installations. Par contre, au niveau structurel, les experts de l’ODE estiment que le secteur exige encore beaucoup d’efforts, notamment en matière fiscale. «La classification fiscale du secteur est très confuse», expliquent les analystes de l’ODE. En effet, considérée comme une activité marchande par le ministère des Finances (et partant par le fisc), comme une activité industrielle par le ministère de l’Industrie et du commerce et comme une activité agricole par le ministère de l’Agriculture, cet état de confusion sanctionne sévèrement les professionnels du secteur. En l’absence d’un statut fiscal bien identifié, ces derniers ne peuvent en effet, prétendre bénéficier des avantages fiscaux accordés au secteur agricole et particulièrement aux éleveurs de bétail, toutes filières confondues (bovin, ovin, caprin, camelin, cunicole).
Il en est de même pour les avantages liés à la charte d’investissement, les éleveurs de volaille n’ont pas l’avantage de récupérer en fin de circuit, la TVA. C’est dire les surcoûts fiscaux qui grèvent les budgets des éleveurs avicoles sur tous les maillons de la chaîne. Par ailleurs, si en amont, l’évaluation faite par l’ODE ressort globalement positive, ce n’est pas le cas à l’aval de la chaîne. L’exemple type est le circuit de la distribution des produits avicoles et leur commercialisation qui demeure fortement tributaire d’un processus archaïque, impliquant différents intermédiaires. Selon le constat de l’ODE, les conditions de transport des volatiles vivants et des oeufs de consommation ne sont pas souvent conformes aux règles d’hygiène requises et favorisent la propagation de maladies aviaires, aux retombées économiques, sanitaires et environnementales parfois désastreuses. Par ailleurs, 90% des poulets de chair sont vendus vivants par de petits détaillants et leurs prix sont souvent arbitrairement décidés dans des cafés, indépendamment de leur qualité. Les détaillants s’approvisionnent généralement aux marchés de gros et les ventes de volailles ne sont accompagnées d’aucun document attestant de la traçabilité du produit comme en Europe. Autant de problèmes que les départements directement liés à la profession, notamment les ministères de l’Agriculture, des Finances, du commerce et le Crédit Agricole, sont appelés à régler en étroite coordination avec les gens de la profession.